Fantôme dépressif

C’était un fantôme tout triste, sans tourelle ni donjon pour agir en équilibriste.

Ancienne sentinelle, tombée d’une échauguette, il rêvait de mâchicoulis et se trouvait à garder le pont levis.

Je l’ai rencontré près de la barbacane, évoquant courtine et assommoir, apparition plus pâle que son drap, je ne savais comment le consoler.

Moi-même, tout juste sortie des oubliettes, je trouvais là que son territoire avait bien fière allure.

Dans mon cachot depuis plusieurs siècles, je m’étais échappée par une casemate et je respirais depuis peu l’odeur enivrante des forêts.

Je le pensais bien ingrat de se plaindre de la sorte, lui qui était à l’air libre et pouvait allez et venir le long des douves.

Mais j’avais décidé de l’aider et le prenant par sa chaîne, je l’entraînais hors du château fort.

Le vent qui soufflait nous transporta au sommet de la montagne aux Revenants.

Mon ami monte désormais la garde sur la plus haute cime. Il a retrouvé sa pâleur de fantôme heureux

Quant à moi, peu habituée à l’altitude, j’erre désormais dans les pâturages où le bruit de mes chaînes se confond avec les clarines et les toupins.

                               La souris des champs